Rencontre avec Flora Sagnes, directrice artistique, illustratrice et amatrice de kimchi

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Directrice artistique primée, illustratrice, cuisinière ou encore co-fondatrice du compte Instagram “Les casse-couilles de Vinted”, Flora accumule les casquettes créatives avec une aisance déconcertante. La pluralité de ses disciplines, qu’elle maitrise avec beaucoup d’habilité, fait d’elle une personnalité inspirante évoluant dans un monde onirique et coloré. Également amatrice de mode vintage, Wazalich Vintage a rencontré cette artiste afin d’en savoir plus sur ses états d’âmes, ses inspirations et sa définition du style.

Flora Sagnes

Flora Sagnes

Peux-tu m’expliquer brièvement ce que tu fais dans la vie ?

Souvent, je dis que j’ai deux métiers, je suis directrice artistique & rédactrice dans la pub et à côté, je suis illustratrice. J’aimerais bien un jour vivre uniquement de l’illustration mais c’est compliqué. C’est compliqué de trouver des contrats et de se dire que, peut-être, le jour où je gagnerais ma vie avec ça, je n’aimerais plus, parce que ça deviendra une contrainte. C’est plus un combat interne de me dire que je peux faire de l’illustration pour des marques, parce que tu fais des commandes et ce n’est pas vraiment toi. Il y a un peu de ton âme dedans mais les gens te demandent de les modifier, car tu as des consignes à respecter

Je sais que tu dessines beaucoup, depuis quel âge et comment est née cette passion ?

Ma mère me dit qu’avant d’écrire, je dessinais (comme tout les enfants en fait) mais j’ai toujours beaucoup dessiné. Je dessinais dès l’âge de 3-4 ans et même mes profs captaient et disaient à mes parents que je dessinais bien. Ma sœur dessinait très bien, ma mère faisait de la peinture à l’huile et ma grand-mère faisait des portraits, personne ne m’a jamais appris et donc, je n’ai jamais pris de cours.

Tu penses que cette passion est due à ta mère et de manière plus générale, à ta famille ?

Oui, j’ai vu ma sœur dessiner et il y a aussi le fait que je n'’avais pas le droit de regarder la télévision ou de jouer aux jeux vidéos. Du coup, il me restait les bd et le dessin, ce qui était super. On faisait aussi beaucoup de danse, ma sœur jouait du piano et moi je dessinais.

Flora Sagnes

Flora Sagnes

Comment tes dessins ont évolué au fil des années ? J’ai l’impression que ton univers était plus « onirique » auparavant ?

Oui c’est vrai mais je pense qu’avant, comme tous les artistes, tu as une phase où tu copies un peu les choses que tu aimes pour te “faire la main” et pour apprendre les techniques. C’était une période où j’apprenais les perspectives et plutôt que de le faire de manière théorique, j’ai copié des trucs. Je pense que ce changement est venu quand je me suis dit que je me moquais de ce qui était à la mode et que j’ai arrêté de copier. C’est ça le truc qui a changé, je dessine moins mais quand je dessine, j’ai une idée originale derrière la tête.

D’ailleurs, quel est ton processus créatif ? C’est passionnant le processus créatif d’un point de vue extérieur et notamment de voir ce qui découle de ton imagination.

J’ai toujours différents tableaux qui sont commencés en même temps. Si je continue toujours le même tableau, je m’ennuie. Du coup, je travaille sur une feuille A4, un grand tableau ou via mon iPad. En ce moment, j’ai trois chantiers en cours et il faut toujours que je change donc je fais 1h de lui, 1h d’un autre, car ce que je fais est tellement minutieux, que si je fais tout d’une traite, ça m’agace. Pour le processus, j’ai une idée qui me vient et je l’applique. Ce qui est marrant c’est que je créé pendant 3 mois sans m’arrêter, puis, j’ai des pauses de 2 mois ou je n’ai plus du tout envie de toucher à un stylo. En ce moment, ça commence à revenir.

Flora Sagnes

Flora Sagnes

Est-ce qu’il y a des sujets qui te tiennent plus à cœur que d’autres ?

Oui, la féminité et mes expériences personnelles. Souvent quand je suis en train de dessiner, je ne comprends pas où je veux en venir, mais dès que j’ai terminé ou quelques mois plus tard, je réalise certaines choses. Par exemple, dans l’un de mes tableaux, il y a une vraie structure que je n’avais pas pigé en le réalisant, la structure descend, Il y a un point central, une famille, la terre ici et le ciel. Ça m’arrive souvent de dessiner quelque chose puis de le comprendre plus tard.

Comment exprimes-tu cette féminité ?

Je l’exprime avec des corps et beaucoup de fleurs. Pour moi, les fleurs, c’est sexuel et sensuel. Ça paraît “bateau” dit comme ça, mais en fait, c’est aussi presque « masculin » une fleur, presque phallique, enfin ça dépend desquelles bien sûr. Je les trouve vachement sexuelles et ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’on offre des fleurs je pense.

Comment est-ce d’être une artiste indépendante de 28 ans en France, est-que c’est compliqué ?

Oui c’est compliqué mais je pense que c’est comme ça partout. Au contraire, on est pas trop mal lotis ici. Il y quand même des aides et notamment “la Maison des Artistes”. Je me dis que j’aurais du le faire avant car j’ai peut-être perdue trop de temps à essayer d’avoir les meilleurs castings ou les meilleurs projets. Au final, quand tu es dedans, ça paraît être tout mais en fait, tu bosses pour les autres. Ça fait un an que je me dis qu’il faut que je bosse pour moi et je me sens mieux.

Quand tu étais dans des agences de pub, est-ce que tu estimais ce que tu faisais était créatif ? Est-ce que tu pouvais apporter ton style  ?

Créatif oui mais pas dans le sens “illustration”, plutôt, dans l’écriture, qui est une autre forme de création. Encore une fois, tu ne travailles pas pour toi mais pour des marques et pas forcément des marques très éthiques et du coup, encore aujourd’hui, je suis dans ce conflit intérieur de me dire qu’il faut que je gagne de l’argent. Il faut que j’ai assez d’argent pour me laisser quelques mois de création par an donc je prends des gros projets. Il faut une balance mais c’est dur, car ce qui est difficile, c’est d’être libre.

Flora Sagnes

Quels genre d’obstacles rencontres-tu en tant qu’artiste ?

Garder ta marque de fabrique, tout en plaisant aux autres. Il y a deux sortes d’artistes : Il y a les artistes qui font leur truc et qui le vende. Ça plait assez pour que les gens achètent leurs oeuvres, ce que j’aimerais devenir et il y a aussi les artistes qui doivent manger, c’est-à-dire, beaucoup de monde. Il faut se plier à la demande et elle n’est pas forcément adéquate à ce que tu fais. Je fais beaucoup de dessins précis avec des points et beaucoup de détails et j’ai l’impression que la tendance actuelle, elle est plutôt au minimalisme. J’ai essayé de me plier à la tendance, un peu « Pinterest » ou « Instagram », mais non en fait, je ne prends aucun plaisir à le faire.

Maintenant, je vais parler de style avec toi car je sais que c’est quelque chose qui te tient à cœur. Qu’est-ce que «avoir du style » signifie pour toi ?

Cela signifie qu’il faut s’en foutre un peu, mettre ce que tu veux et te foutre du regard des autres. Il y a des gens ils ont du style, mais ils ne s’habillent pas bien mais ça se voit qu’ils sont en phase avec eux-mêmes. Une personne qui essaye de trop rentrer dans des cases, qui s’inquiète du regard des autres, ne va pas être stylée. C’est une liberté qui n’est pas dictée par les choses à la mode même si, on suit tous un peu la mode. Avoir du style c’est prendre une liberté sur la mode et se sentir bien.

 Mais j’imagine qu’il faut quand même une certaine confiance en soi pour faire ça ?

Je me suis déjà posé la question et notamment sur des enfants que je trouvais “stylés”, souvent parce que c’est des enfants qui n’en ont rien à faire, des enfants bien dans leurs baskets alors que finalement, ce sont des vêtements choisis par leurs parents, mais ils les portent bien. Cela se rapporte aussi aux adultes. Par exemple, il y a des gens qui ont trois t-shirts et un jean et je les trouve bien habillés.

Est-ce que c’est difficile de se détacher du regard des autres ?

Moi je n’y arrive toujours pas même si j’ai l’impression que ça va mieux. Plus je vieillis et plus ça va. J’ai l’impression que ça fait à peine 1 an que je m’en fous vraiment mais on arrive dans les années, ou ça va aller de mieux en mieux. J’ai l’impression qu’à la vingtaine, tu te cherches vachement et tu n’es pas forcément bien dans ta peau alors tu tâtes des choses. 

Est-ce que tu estimes avoir trouver ton propre style aujourd’hui  ?

Je ne sais pas, car je change tout le temps de style. Avoir du style, c’est porter des vêtements au moment où tu aimes bien les porter. J’ai essayé pas mal de style, mais comme je m’en fous de plus en plus, j’ai l’impression de m’habiller de mieux en mieux et ça devient naturel. Ça se voit sur les gens dès lors qu’ils sont naturels, ils sont stylés.

J’ai l’impression que cela reste assez rare non ?

Ce que j’aime moins chez les gens qui essayent d’être stylés, c’est le fait d’essayer de l’être. Les gens confondent « suivre la mode » et « être stylé ».  

Flora Sagnes

Flora Sagnes

Comment est-ce que tu as affiné ton style au fil des années ?

En me détachant de l’achat de masse et en cherchant les pièces sur Vinted ou en friperie. Ça m’aide beaucoup car tu dois réfléchir. Aujourd’hui, dès que tu vois un truc sur Instagram, tu peux l’acheter, ça devient n’importe quoi. Il n’y a plus ce moment où tu cherches la pièce, où tu la veux et tu l’attends. C’est ça la clé, tu trouves ton style en achetant moins.

Quelle importance tient la mode de seconde main dans ta vie ?

Je pense que ça représente 70% de ma garde-robe. Ce qui est bien, c’est que tu ne croises personne avec tes vêtements et c’est plus respectueux de l’environnement et des humains. Pour moi le fait d’être féministe, a beaucoup jouer dans ma manière de consommer des vêtements parce que lorsque tu achètes des vêtements issus de la “fast fashion”, derrière, il y a beaucoup de femmes et de très jeunes femmes qui sont mal payées dans des pays qui ne respectent pas le droit du travail. Il y a aussi l’exploitation des enfants. Je pense que ça fait partie de la démarche d’être altruiste et féministe de moins consommer. Il y aussi le fait que certaines enseignes prônent un idéal de corps dans lequel, je ne me reconnais pas. 

Flora Sagnes

Flora Sagnes

Flora porte une robe Jean Paul Gaultier

Flora porte une robe Jean Paul Gaultier